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La Notion De Conscience (in French)
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D’abord il y en a une, laquelle, j’en suis convaincu, vous aura frappes tous. Prenons la perception exterieure, la sensation directe que nous donnent par exemple les murs de cette salle. Peut-on dire ici que le psychique et le physique sont absolument heterogenes? Au contraire, ils sont si peu heterogenes que si nous nous placons au point de vue du sens commun; si nous faisons abstraction de toutes les inventions explicatives, des molecules et des ondulations etherees, par exemple, qui au fond sont des entites metaphysiques; si, en un mot, nous prenons la realite naivement et telle qu’elle nous est donnee tout d’abord, cette realite sensible d’ou dependent nos interets vitaux, et sur laquelle se portent toutes nos actions; eh bien, cette realite sensible et la sensation que nous en avons sont, au moment ou la sensation se produit, absolument identiques l’une a l’autre. La realite est l’aperception meme. Les mots “murs de cette salle” ne signifient que cette blancheur fraiche et sonore qui nous entoure, coupee par ces fenetres, bornee par ces lignes et ces angles. Le physique ici n’a pas d’autre contenu que le psychique. Le sujet et l’objet se confondent.
C’est Berkeley qui le premier a mis cette verite en honneur. Esse est percipi. Nos sensations ne sont pas de petits duplicats interieurs des choses, elles sont les choses memes en tant que les choses nous sont presentes. Et quoi que l’on veuille penser de la vie absente, cachee, et pour ainsi dire privee, des choses, et quelles que soient les constructions hypothetiques qu’on en fasse, il reste vrai que la vie publique des choses, cette actualite presente par laquelle elles nous confrontent, d’ou derivent toutes nos constructions theoriques, et a laquelle elles doivent toutes revenir et se rattacher sous peine de flotter dans l’air et dans l’irreel; cette actualite, dis-je, est homogene, et non pas seulement homogene, mais numeriquement une, avec une certaine partie de notre vie interieure.
Voila pour la perception exterieure. Quand on s’adresse a l’imagination, a la memoire ou aux facultes de representation abstraite, bien que les faits soient ici beaucoup plus compliques, je crois que la meme homogeneite essentielle se degage. Pour simplifier le probleme, excluons d’abord toute realite sensible. Prenons la pensee pure, telle qu’elle s’effectue dans le reve ou la reverie, ou dans la memoire du passe. Ici encore, l’etoffe de l’experience ne fait-elle pas double emploi, le physique et le psychique ne se confondent-ils pas? Si je reve d’une montagne d’or, elle n’existe sans doute pas en dehors du reve, mais dans le reve elle est de nature ou d’essence parfaitement physique, c’est comme physique qu’elle m’apparait. Si en ce moment je me permets de me souvenir de ma maison en Amerique, et des details de mon embarquement recent pour l’Italie, le phenomene pur, le fait qui se produit, qu’est-il? C’est, dit-on, ma pensee, avec son contenu. Mais encore ce contenu, qu’est-il? Il porte la forme d’une partie du monde reel, partie distante, il est vrai, de six mille kilometres d’espace et de six semaines de temps, mais reliee a la salle ou nous sommes par une foule de choses, objets et evenements, homogenes d’une part avec la salle et d’autre part avec l’objet de mes souvenirs.
Ce contenu ne se donne pas comme etant d’abord un tout petit fait interieur que je projetterais ensuite au loin, il se presente d’emblee comme le fait eloigne meme. Et l’acte de penser ce contenu, la conscience que j’en ai, que sont-ils? Sont-ce au fond autre chose que des manieres retrospectives de nommer le contenu lui-meme, lorsqu’on l’aura separe de tous ces intermediaires physiques, et relie a un nouveau groupe d’associes qui le font rentrer dans ma vie mentale, les emotions par exemple qu’il a eveillees en moi, l’attention que j’y porte, mes idees de tout a l’heure qui l’ont suscite comme souvenir? Ce n’est qu’en se rapportant a ces derniers associes que le phenomene arrive a etre classe comme pensee; tant qu’il ne se rapporte qu’aux premiers il demeure phenomene objectif.